Matinée de rencontre Reech eng Hand à Bettembourg (12.11.2016)

Plus de 30 bénévoles ont eu l’occasion de se retrouver, de s’informer sur les activités des différentes équipes Reech eng Hand, mais aussi de réfléchir sur les défis de l’accompagnement de réfugiés avec le Dr Jean-François Vervier (pédopsychiatre et spécialiste des questions transculturelles).

En sous-groupes, un bilan a été fait des activités réalisées et des programmes prévus pour 2016 – 2017, ainsi qu’une réflexion sur les questions pratiques ou psychologiques qui se posent au sein des équipes par rapport à l’accompagnement de réfugiés.

Les équipes ont pu présenter leurs bilans. Suite à un problème technique dû à l’écran de projection, les PPT préparés par les équipes du Christ-Roi et de la Syre supérieure n’ont malheureusement pas pu être présentés (les voici ci-dessous).

Christ-Roi
L’accueil des demandeurs d’asile par la Communauté du Christ-Roi rassemble entre 150 et 200 bénévoles, en collaboration avec des personnes de la communauté italienne de la crypte, de la paroisse de Luxembourg-Belair et de la communauté portugaise. Différentes aides sont proposées : service des repas avec la Croix Rouge, cours de langues avec Caritas, accompagnement de familles, aussi à Belair dans un petit foyer regroupant sept familles, importance de la convivialité (cuisine à disposition de personnes réfugiées une fois par semaine). Le projet Réfugiés figure sur le site du Christ-Roi, avec une page Facebook.
Pour en savoir plus : une video remarquable réalisée par Olive Le Masne.
et un PPT :

Troisvierges
16 bénévoles s’occupent de mineurs non accompagnés (MINA) les mardis et jeudis (aide aux devoirs et loisirs) à Troisvierges.
Accompagnement de deux familles à Weiswampach : Aide aux devoirs, aide matérielle, loisirs, visite médicale accompagnée, initiation à la langue française pour adultes le samedi matin.
Activités culturelles communes : Fête Nationale, kermesse, cortège pour la St Martin, clubs de sport locaux (la Commune paie les inscriptions à ces clubs).

Syre supérieure
Le projet a été fondé il y a un an, à l’initiative du curé, avec 7 bénévoles.
Identification des 3 familles arrivées, visites régulières chez elles, activités communes, p. ex. visite d’une fête d’été, journée de détente au Parc Merveilleux, visite touristique à Vianden, conseils pour la vie de tous les jours : où faire des achats, comment remplir certains formulaires, démarches pour trouver un emploi, ..., explication de nos événements culturels, leçons de conversation pour un jeune réfugié, collecte de matériel pour réfugiés (Grèce, Calais, Paris,….) en collaboration avec “Eng Hand fir ALL Kand” et “Catch a Smile”, mais aussi soutien de familles dans le besoin originaires de nos communes (contacts avec l’Office social).
Pour en savoir plus :

Bertrange/ Strassen
27 réfugiés vivent dans un home à Bertrange/ Strassen.
Un petit groupe de bénévoles a organisé avec les réfugiés :
Wonschbaamfeier au Marché de Noël (financement de cadeaux désirés par les enfants), cours individuels, séances de gymnastique pour les enfants syriens (Airgym), fêtes d’anniversaire pour les enfants, ateliers de cuisine et de couture.
Cours d’introduction à l’Islam par des soirées de lecture de l’ouvrage « Muslime fragen, Christen antworten » : échange sur nos différentes façons de croire.

Bascharage
Des activités ont déjà eu lieu, le groupe est actuellement en restructuration et rencontre les réfugiés du foyer : un brunch est prévu en décembre. Très bonne équipe comprenant une personne libanaise qui assure la traduction.

Differdange
2 maisons avec des familles. 10 à 15 bénévoles. Activités en lien avec le calendrier : cueillette de pommes au mois de septembre, sachets pour la Saint Nicolas, collecte de jouets, Buergbrennen, visite du Fond de Gras avec le train 1900, invitation à la messe, sortie en traîneau, cours d’appui pour les enfants, cours de langues dans les chambres avec les mamans et leurs bébés, visite au Müllerthal, échanges de recettes de cuisine, aide pour l’installation dans des logements,
Bëschbotzaktioun (action bénévole de nettoyage des forêts), cadeaux pour la naissance...

Sanem
Coaching des réfugiés dans l’apprentissage à l’aide du programme Assimil arabe-français (cette méthode d’apprentissage du français à partir de l’arabe moderne permet, en quelque 63 leçons, l’acquisition du français de tous les jours), achat de dictionnaires pour les apprenants
Organisation d’un stand de meubles chez Hariko, visites de villes (Luxembourg, Schengen...), amitiés entre les familles, organisation bientôt d’un concert pour la Syrie.

Vianden
Beaucoup de jeunes familles avec des bébés (babyboom ;).
Les bénévoles visitent les jeunes familles, les aident et les conseillent, louent un bus et font des excursions : Mullertal, Schiessentümpel, auberge des jeunes…
La Commune offre un repas.
Préparation en commun de spécialités culinaires…
L’équipe est en train d’organiser un système de parrainage comme cela se fait au Canada : une famille du pays parraine une famille réfugiée pendant un an.

Bonnevoie
Une maison où vivent 24 hommes. Organisation de vélos pour eux. L’équipe sociale de la paroisse les accompagne en écoutant et en cherchant des solutions…

Hesperange
Une collaboration avec l’école des parents Janusz Korzacs et Reech eng Hand Hesperange est actuellement envisagée sur le thème de l’éducation pour le Foyer de réfugiés d’Hesperange.

Ettelbruck
Distribution des repas, problème de la scolarisation des enfants dans la commune.

Christ Roi / CVX
Visites au Centre de rétention, cours de français, suivi des « cas désespérés », contact avec GIM (Groupe Ignatien des Migrations), travail sur les questions structurelles (enseignement, RMG...).
Cours de langues avec classe de dames afghanes.

Merci aux équipes Reech eng Hand qui n’ont pas pu être présentes lors de la matinée de compléter, en envoyant leurs bilans à reech-eng-hand cathol.lu.

Liens des équipes Reech eng Hand avec les paroisses et les autres institutions ou associations

Les contacts sont en général étroits avec les paroisses et les communautés (engagement du prêtre ou de l’assistance pastorale...). Certains bénévoles n’ont pas de lien avec la paroisse mais ont tout de même rejoint le projet, sans doute par contacts personnels. Il est plus facile d’entrer en contact avec les autres institutions (fonctionnaires communaux...) et associations que dans la « grande » Ville de Luxembourg. Cependant, le contact entre bénévoles et professionnels n’est pas toujours facile.

Difficultés rencontrées par les bénévoles dans l’accompagnement de personnes réfugiées

Problèmes de ponctualité, d’hygiène, de respect du matériel, de régularité de présence aux cours de langue, de problèmes psychologiques, d’acculturation
par ex. que faire des personnes qui ne veulent pas apprendre les langues ?
Conflits entre les familles réfugiées, il s’ensuit qu’on ne peut plus faire des offres en commun, disputes entre les enfants réfugiés à l’école
Problèmes avec les agents de sécurité dans les foyers
Que faire des confidences sur les injustices que les réfugiés vivent dans les structures : comment faire pour ne pas nuire ?
Que faire si l’assistant social n’est pas efficace ?
Problèmes de santé des réfugiés, face à une bureaucratie trop complexe… frais de lunettes, dentiste (demande de devis… )
Jusqu’où faut-il aller dans l’accompagnement ? Comment garder une saine distance, accompagner mais ne pas être trop intrusif ?
Comment créer une solidarité entre les familles ? (système de parrainage comme au Canada ?).
Problème des célibataires qui n’ont pas la même aide que les familles.

Attentes vis-à-vis de l’équipe de coordination Reech eng Hand

- Besoin d’information : actualités par ex. par un guide en ligne en matière de santé (lunettes, dentiste...), de travail, de logement, de cours de langues/formation, université, recherche de traducteurs... au Luxembourg, avec une Newsletter plus régulière
Actualités de la situation par pays, urgences actuelles, chiffres des demandes de protection internationale
- Besoin de rencontres entre bénévoles, par ex. par de telles matinées de rencontre et d’échanges, meilleure communication entre les groupes locaux de bénévoles présents dans tout le pays
- Valorisation des groupes et recherche de nouveaux bénévoles : mettre en ligne les groupes et leurs activités, avec une liste des bénévoles recherchés, à transmettre à l’Agence du bénévolat pour qu’ils puissent nous renvoyer des personnes
Matching entre nouveaux bénévoles – groupes locaux : site où les bénévoles in spe pourraient offrir leurs compétences, aussi ceux qui ne se sentent pas liés à une paroisse.
- Besoin de formation : publicité des formations « Get Involved » de l’Agence du Bénévolat, formation sur l’Islam, cours de langues ( p.ex arabe ou Dari), acculturation des réfugiés
- Travail de lobbying : RMG, enseignement, logement, travail (action politique)
- Matching entre réfugiés et employeurs : idée d’une foire aux métiers pour les réfugiés, contact avec des associations comme le Rotary, Lyons… là il y a les patrons de firmes qui pourraient engager, éventuellement aussi Manpower (le fonctionnement de l’Adem ne semblant pas adéquat pour procurer du travail aux réfugiés)
- Meilleure coopération entre les bénévoles avec Reech eng Hand, Asti, Croix Rouge, Olai… (réunions entre bénévoles et professionnels au niveau local)
- Base de données commune

Intervention du Dr Jean-François Vervier, pédopsychiatre et spécialiste des questions transculturelles

En rencontrant des personnes réfugiées, nous devons en premier lieu reconnaître leur souffrance sociale. Elles ont été sorties de leurs histoires et souffrent de perte d’appartenances, après avoir été mobilisés par des stratégies de survie.
Donc le/la bénévole doit d’abord accueillir la personne réfugiée avec faveur, dans l’esprit de la grâce, avec les réflexions spirituelles et religieuses qui s’en découlent pour des croyants.

Cette reconnaissance passe par trois étapes :

  • on ne peut pas reconnaître sans connaître : connaître, c’est essayer de comprendre quelle est la réalité de l’autre. Dans cette dimension, un point très important est la notion d’empathie, ce n’est pas la sympathie, ce n’est pas la contagion émotionnelle. L’empathie, c’est se mettre à la place de l’autre, tout en gardant son propre jugement. cela ne veut pas dire raisonner avec l’autre, basculer dans son monde. C’est « qu’est-ce que j’entends de l’autre que je reconnais en moi et qu’est-ce que je ne reconnais pas en moi. Quelle est la zone d’ombre que je n’ai pas vécue ? » Nous n’avons pas la même histoire.
  • la capabilité : pouvoir faire, pouvoir dire. C’est essayer d’aider le migrant et soi-même à se mettre dans une capacité de pouvoir (se) dire, faire. Mettre l’exilé dans une position d’acteur. Le bénévole est l’instrument, la boîte à outils culturellement compatible avec le milieu d’accueil, mais l’exilé reste toujours au centre de ce qu’il décide, de ce qu’il fait, afin d’essayer de lui rendre un minimum de liberté.
    Par exemple, pour les accompagner dans une souffrance, faut-il les obliger à effectuer une démarche de soins ? Pas forcément mais on peut toujours les accompagner. L’accompagnement est extrêmement important. Il est illusoire d’envoyer une famille exilée chez un psychologue ou un psychiatre sans avoir préparé et expliqué ce que sont ces termes dans cette culture-là. Ce serait les faire passer de la situation d’exilé à celle de fou. Tous les enfants qui viennent en consultation disent : « je suis fou, ou je vais être puni ».
  • la mutualité, la réciprocité, très importantes : on donne des gestes, des paroles, des objets. On doit s’assurer que l’autre est prêt à les recevoir. Donner, c’est accepter que l’autre puisse refuser. C’est donner, recevoir, rendre.
    Une des problématiques des familles par exemple syriennes, est « comment je vais symboliquement pouvoir vous redonner ce que j’ai reçu ? ». C’est terriblement important dans différentes cultures.
    Il faut une réflexion anthropologique sur le don. Marcel Maus, brillant anthropologue français, a beaucoup réfléchi sur le don. Donner, c’est recevoir et c’est le contre-don, c’est la dette : je suis reconnaissant du don qui m’a été fait. Il y a beaucoup de pathologies de la dette. « En quoi tout ce que vous nous avez donné permet à ce que mon fils accède à l’école, contribue à être reconnu dans la société et rende ce qu’on nous a donné ? » Pourquoi est-ce si important ?

Il y a trois manières ou niveaux du don :
- pour les exilés, le niveau de la monnaie : c’est le niveau où sont les migrants actuellement car ils ont dû survivre. C’est un terme de réciprocité négatif, c’est un échange de monnaie. Je donne quelque chose qui a une valeur marchande et j’essaie toujours de récupérer plus. C’est la dynamique du marché, une logique comptable. Cela explique ce : « ce qu’on me donne, je le détruis »... C’est un trouble de la reconnaissance, lié à une stratégie de survie.
- pour les bénévoles, le niveau précieux, i.e. la réciprocité équilibrée, le troc, très important : « qu’est-ce que je peux te donner, qu’est-ce que je peux recevoir ? De quoi as tu besoin qui a du sens ? » Il n’est pas intéressant de donner le cadeau qu’on a envie de donner, mais plutôt le cadeau que l’autre a envie de recevoir.
C’est aussi le partage de quelque chose de l’ordre de l’intime.
Par exemple « j’organise un rendez-vous important pour vous, en contrepartie vous vous engagez à être à l’heure, sinon je ne le fais plus ». C’est un contrat moral, le respect de la règle.
- le niveau sacré : donner quelque chose qui a une valeur symbolique, une valeur pour soi et pas forcément marchande, c’est le don sans attendre de contre-partie.
Il est très important d’être dans ces trois logiques-là, pour ne pas perdre son âme

L’accès aux structures de soins, de santé mentale
Actuellement il n’existe aucune structure de soins spécialisée pour les exilés, du fait de du Ministère de la Santé et de la conception de l’intégration. Toute structure est censée pouvoir soigner les migrants pour leur santé mentale et physique. Ce modèle de l’intégration, voire de l’assimilation, est remis en question. On donne aux migrants les mêmes droits que les autres, mais particularité des migrants, ils vont naturellement vers ce qu’ils connaissent, i.e. les services d’urgence, un gros problème actuellement. Nous sommes en train de négocier avec le Gouvernement sur au moins un accès à une possibilité d’aide à la traduction dans les consultations spécialisées, urgences...
En ce qui concerne les centres spécialisés, pour la santé mentale, il y a toutes les structures de santé mentale comme les hôpitaux de garde pour les problèmes psychiatriques urgents. Dans un deuxième niveau, quatre centres sont spécialisés en ayant une conception transculturelle du soin et qui ont accès à une traduction avec des traducteurs formés à la santé mentale :
- le Centre de pédopsychiatrie au CHL, pour enfants ayant des troubles en lien avec l’exil et la migration (consultation trauma, consultation familiale)
- le Service de psychiatrie de l’adolescent au Kirchberg
- un service ambulatoire, la Ligue d’Hygiène Mentale (consultations)
- l’Hôpital Neuro-Psychiatrique d’Ettelbruck (CHNP)
Ces quatre structures fonctionnent avec des rendez-vous programmés et donc organisés (selon telles problématique, structure familiale, langue).
Troisième niveau, grâce à l’Oeuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, nous sommes en train de mettre en place le CESMI, Centre neuro-psychiatrique de soins pour migrants, centre de deuxième ligne spécialisé dans l’approche transculturelle des migrants, avec des professionnels ayant des connaissances linguistiques adaptées (psychologues arabophones...).

Dans les pays d’où viennent la plupart des réfugiés, les populations ont vécu le paroxysme d’enjeux géopolitiques. Le monde s’est arraché ces pays-là en instrumentalisant les conflits entre les groupes.
Ce manque de reconnaissance, ce traumatisme politique et culturel, devient inclus, intégré, incrusté dans la culture. C’est une blessure collective, qui est massive et que chacun porte à sa façon. Il y a un travail de reconnaissance collective et de médiation à faire, à travers des structures institutionnelles. Ce ne sont pas les bénévoles ou les professionnels qui vont pouvoir régler ces conflits car nos Etats n’ont jamais réussi à régler ces conflits dans leurs pays. Nous ne sommes donc pas légitimes pour ce faire. Ce n’est pas abandonner, mais reconnaître notre incompétence.
Les dons matériels sont importants mais les autres dimensions sont à privilégier (selon les besoins des personnes, engagement social, travail de lobbying...)

Et pour terminer...

Des informations ont été rapidement données sur la campagne « Afghanistan is not safe, non au retour forcé », ainsi que la brochure d’information « Le Luxembourg en poche » et le projet dans le domaine de la recherche de travail « WIP » (création de portfolios pour des DPI et recherche de stages), deux projets Reech eng Hand soutenus par l’Oeuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte.
La video de témoignages « D’une vie à une autre » réalisée par le Service Communication et presse de l’Archevêché sera présentée à la prochaine réunion.
Un délicieux repas de spécialités syriennes a terminé la matinée, préparé par une famille syrienne de Schuttrange.

Merci à Paul et à Susi pour leurs notes prises pendant la matinée.
Et un très grand merci à Fabienne Dias-Michaux, sans laquelle cette matinée à Bettembourg n’aurait pas pu avoir lieu !

 
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