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Les chrétiens d’Orient, entre stratégies géo-politiques et vie de foiMarc Fromager, Directeur de AED France, était l’invité de TheoBar (9.12.2015)La dernière édition de TheoBar, qui fête ses deux ans d’existence au Luxembourg, a été suivie par une centaine de personnes en ce mercredi 9 décembre 2015. Le thème de la soirée « Les chrétiens de Syrie et d’Irak : entre persécution et exode » avait en effet de quoi attirer. Marc Fromager, l’orateur de la soirée, est Directeur de l’organisation Aide à l’Église en Détresse (AED France), rédacteur en chef de la revue l’Église dans le monde ainsi que chroniqueur pour différents journaux, mais aussi un globe-trotteur, ayant fait en particulier de nombreux séjours au Moyen Orient. Il a écrit plusieurs ouvrages, dont le plus récent Guerres, pétrole et radicalisme, les chrétiens d’Orient pris en étau (Éditions Salvator) a paru en septembre 2015. Un exode massifZone carrefour entre trois continents, berceau des premières civilisations et des trois monothéismes, présence des ressources tant convoitées que sont le pétrole ou le gaz, la région du Moyen Orient peut à juste titre être considérée comme le centre du monde : les bouleversements qui s’y produisent ont des répercussions directes sur les stratégies géo-politiques dans l’ensemble de la planète. Selon l’orateur, il resterait de nos jours une douzaine de millions de chrétiens (la plupart orthodoxes) au Moyen Orient, dont environ deux millions de catholiques (répartis en 7 églises), sans oublier les environ trois millions de chrétiens « importés » (migrants asiatiques) dans la péninsule Arabique, soit environ 15 millions de chrétiens sur une population totale de 397 millions d’habitants au Moyen Orient. Mais ce ne sont pas les seuls à partir : les yézidis, minorité religieuse non musulmane persécutée, ainsi que des musulmans chiites fuyant les djihadistes sunnites, voire des sunnites modérés fuyant aussi pour échapper à la radicalisation et à la terreur djihadiste. Des responsables à tous les niveauxLa guerre entre sunnites et chiites fait en effet rage dans la région, avec pour toile de fond la lutte pour la suprématie dans la région entre l’Arabie Saoudite et dans une moindre mesure le Qatar (sunnites, 80% des musulmans dans le monde) et l’arc chiite mené par l’Iran (chiites : 15% des musulmans dans le monde). Cette coalition chiite, qui va du Liban (Hezbollah), à la Syrie, l’Irak jusqu’à l’Iran menace l’Arabie Saoudite d’encerclement au nord, ainsi que le Koweït, Bahreïn et le Yemen (principalement chiites) au sud. Autre conflit de choix, celui des réserves énergétiques, qui intéresse le reste de la planète. La Syrie devait ainsi servir de pays de transit à un gazoduc du Qatar traversant la péninsule Arabique pour rejoindre la Turquie. Mais la Syrie avait refusé ce gazoduc pour ne pas contrarier son principal allié et partenaire économique, la Russie, voyant d’un mauvais oeil ce gazoduc qui allait réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des réserves énergétiques russes. Encore une autre bonne raison de se « débarrasser » de Bachar al Assad... Chacune des puissances régionales ou occidentales poursuit ses objectifs stratégiques : la Turquie qui reçoit la plupart des réfugiés tout en soutenant l’État Islamique, Israël qui lutte contre le Hezbollah et l’Iran, mais aussi la Russie comme on l’a vu, les États-Unis qui pratiquent la vieille stratégie du « Divide et impera », l’Allemagne qui a un besoin vital de main d’oeuvre et les autres pays européens vieillissants et croulant sous les dettes, qui doivent s’assurer des contrats et de « l’argent frais ». Avec des conséquences : tout récemment les attentats à Paris en décembre en représailles, trois jours après le bombardement d’un dépôt de carburant tenu par l’État Islamique... Signes d’espérance ? Les chrétiens d’Orient sont dans le coeur de DieuMarc Fromager a souligné qu’il est encore trop tôt pour percevoir les changements géo-politiques à venir car les cartes sont en train d’être redistribuées dans la région. |