Chère Sœur Supérieure Générale,
chères Sœurs Franciscaines de la Miséricorde,
chers collaborateurs et collaboratrices,
chers invités du pays et de l’étranger,
chers tous,
"Parce qu’il aimait les siens" - c’est ainsi que commence l’évangile du lavement des pieds que nous venons d’entendre. Ce que Jésus a fait pour et avec ses disciples, nous ne le comprenons que dans l’horizon de l’amour. Celui qui abandonne ce fondement de ses paroles et de ses actes se trompe sur Lui. Oui, celui qui abandonne l’amour trahira - comme Judas - Jésus. Le lavement des pieds enseigne que tout ce qui est véritablement divin et humain dépend de l’amour et y conduit, car Dieu est Amour et son amour s’adresse à l’homme.
Le service d’amour de Jésus commence par l’abandon de son vêtement. Il en a été de même dans la vie de François d’Assise. Sous le regard de l’évêque, il a déposé ses vêtements et donc ses privilèges de notable pour se mettre au service des pauvres et des malades avec un désintéressement total.
Retirer son vêtement est un geste profond et grave : il implique un changement de perspective radical et irréversible. Je quitte les certitudes sociales, les zones de confort personnelles, les sentiers battus et les modèles d’action habituels. Au lieu de cela, je m’engage dans l’exigence de l’amour, dans les besoins du prochain, dans le fardeau inconfortable du service, dans la folie de la Providence.
De la position debout orgueilleuse, on passe à l’humilité de la courbure. "Se faire servir" devient "se donner".
Elisabeth, Henriette, Désirée Dufaing est elle aussi animée par cet esprit jésuite et franciscain. Elle quitte la ville haute bourgeoise de Luxembourg pour s’occuper des miséreux de la forteresse dans la ville basse, plus précisément dans le quartier du Grund - nomen est omen -. Elle descend littéralement chez les nécessiteux du Grund et s’installe le 15 juin 1847, jour de l’anniversaire actuel, avec son amie Louise Augustin dans un trois-pièces humide.
Tout ce qui est véritablement divin et humain commence par l’amour. Or, l’amour se dépouille de toute complaisance pour être à fleur de peau avec son prochain.
Sr Anne-Marie Leyder écrit à ce sujet dans sa biographie de Elisabeth Dufaing : « Les voilà donc toutes deux jetées, du jour au lendemain, dans les bras de la pauvreté, de la misère – et de Dieu. »
Tout comme Pierre dans l’évangile ne comprend pas l’abaissement de Jésus, les deux femmes irritent également leurs contemporains avec leur engagement à l’hospice et leur sollicitude pour les nombreuses prostituées de la garnison. Les femmes fondatrices deviennent la cible de moqueries et de médisances. Vu de l’extérieur, vu sans amour, la charité évangélique comporte toujours un aspect de folie humaine. Pour les initiés, en revanche, c’est un critère de vérité pour l’action divine qui se déploie dans la fragilité humaine.
En regardant en arrière, en feuilletant les pages d’histoire de la Congrégation, on s’aperçoit très vite que la croissance si rapide et si importante du nombre de sœurs et de leurs œuvres ne s’explique pas seulement par le charisme exceptionnel et la foi solide des fondatrices. La grâce divine a sans doute soutenu la miséricorde évangélique de ces femmes courageuses et fidèles à la suite et à l’exemple de Mère Françoise.
C’est au nom de notre archevêque, le Cardinal Jean-Claude Hollerich, que je rends grâce aujourd’hui pour cette œuvre de Dieu et pour cent-soixante-quinze ans de services rendus de cette Congrégation et de ses différentes institutions envers les pauvres, les malades, les orphelins, les laissés-pour-compte, les femmes en prison, les prostitués, les enfants et les adultes aux besoins spécifiques, les personnes âgées, les jeunes en difficultés, … au Luxembourg, en Allemagne, en Belgique, en Italie, en Taïwan.
Combien de pieds lavés, combien de malades soignés, de mourants accompagnés, de larmes séchées, de mains tendues, de cœurs apaisés, de conseils donnés, de souffrances allégées, …
À travers vous et votre engagement, chères Sœurs, chères collaboratrices et collaborateurs, la misère a été et est contrée par la miséricorde. Infiniment Merci.
Chères Sœurs,
Votre fondation et ce qu’elle est devenue jusqu’à aujourd’hui a marqué durablement le tissu socio-caritatif du Luxembourg dans de nombreux domaines. La diaconie chrétienne, telle qu’elle a été mise en œuvre dans notre pays, en particulier par les ordres féminins, au prix de grands efforts et de bien de désagréments, a d’abord ouvert la voie à l’assistance publique. Elle a ainsi réalisé ce que Jésus visait entre autres par son lavement des pieds, à savoir donner l’exemple à ses amis.
C’est aux responsables, aux collaborateurs et aux bénévoles des maisons et des institutions qui portent l’héritage des Sœurs de la Miséricorde de Saint-François de Luxembourg dans l’avenir, de faire de l’amour le fil conducteur de leur engagement. Certes, la "miséricorde" se décline différemment aujourd’hui qu’il y a 175 ans. Les conditions politiques et sociales, les méthodes de travail, l’environnement social, les finances et les défis sont soumis à des processus de changement permanents. Mais l’homme reste homme, la souffrance reste souffrance, la vieillesse reste vieillesse et la maladie reste maladie. Les techniques les plus modernes, le management le plus sophistiqué, les stratégies les plus intelligentes et les concepts les plus récents ne pourront jamais remplacer un cœur aimant.
A nous tous, à qui ont été confiées différentes responsabilités et tâches, je voudrais rappeler en conclusion la citation mémorable de Mère Françoise : "On ne regrettera jamais d’avoir été bon". - Elle est affichée en grand format dans le couloir de la Maison-Mère à Belair. Puisse-t-elle être inscrite de manière indélébile dans nos cœurs. Amen.
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