Aider la reconstruction et la réconciliation

Mgr Yousif Mirkis au Luxemburg

L’archevêque chaldéen de Kirkouk (Irak), invité par Justice et Paix et la Luxembourg School of Religion & Society (LSRS), a présenté ses activités humanitaires en faveur d’un Plan Marshall pour l’Irak et un projet de citoyenneté pour aider à la réconciliation inter-ethnique et inter-religieuse.

Mgr Mirkis à Luxembourg
(Photo: Bodo Bost)

Invité par Justice et Paix Luxembourg et la LSRS dans le cadre du projet interreligieux „Être autrement l’autre“, sous la direction du Pr Alberto Ambrosio, Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk, a parlé mercredi 15 novembre à la LSRS. Il a d’abord souligné l’aide apportée par les Églises et pays d’Europe en Irak pour l’accueil de plusieurs centaines d’étudiants, réfugiés de Mossoul, dans onze maisons à Kirkouk. „Ces étudiants souhaitent participer à la reconstruction de leur pays par leur études.“ Mgr Mirkis a longuement évoqué les trois années passées sous la menace de Daech, qui avait aussi essayé à partir de Mossoul de faire des incursions à Kirkouk, dont les peshmergas kurdes, après la fuite de l’armée irakienne, se sont emparés en juin 2014 pour lui éviter d’être conquis par Daech. À une occasion, des terroristes de Daech ont même réussi à pénétrer dans l’un des immeubles des étudiants : c’est quasiment un miracle qu’aucun dommage n’ait été à déplorer ce jour-là. La région, même après la défaite militaire de Daech, reste partagée entre différentes factions, a insisté l’archevêque. Si le pire a été évité lors de la reprise de Kirkouk par les autorités irakiennes le 15 octobre, après le référendum kurde de fin septembre, la mémoire des chrétiens et des yézidis, établis des deux côtes de la ligne de démarcation, est accablée par les douleurs et les souffrances, les drames vécus par un très grand nombre de victimes, a-t-il également souligné.

Pour l’archevêque chaldéen de Kirkouk, les garanties proposées par les autorités internationales „ne vont pas au-delà des tables rondes et congrès“. La parole est une chose, les actions en sont une autre, a-t-il poursuivi. L’idéologie extrémiste est un véritable cancer pour le Moyen-Orient. Daech, „dernier épisode d’une longue série“, n’est „qu’une petite partie de l’iceberg que constitue l’islamisme politique“. Le seul espoir pour le futur de l’Irak est la jeunesse du pays, les puissances extérieures que sont l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie n’ayant pas la volonté de surmonter les confrontations entre différentes communautés. Pour préparer un futur viable, il faut aider le pays à séparer religion et politique. La religion est un rapport entre l’individu et Dieu. Il faut créer un régime civique et civil, avec une laïcité positive, qui respecte les valeurs religieuses. Un projet de citoyenneté peut aider à la réconciliation.

Un Plan Marshall pour la reconstruction de l’Irak

La violence de Daech est arrivée „après des décennies de haine“. Ce discours de la haine, que l’archevêque situe surtout dans les mosquées, a commencé avec l’établissement de l’État d’Israël en 1948, et continue jusqu’aujourd’hui. Les seules forces qui peuvent endiguer ce tsunami sont les jeunes. „Cette génération va sauver l’Irak“, affirme avec confiance Mgr Mirkis, qui a évoqué son projet d’écoles, depuis le jardin d’enfants jusqu’à l’université. Un domaine dans lequel les chrétiens d’Orient ont toujours excellé. Les Dominicains, ordre auquel appartient Mgr Mirkis, ont en effet ouvert 22 écoles en 5 ans après leur arrivée à Mossoul en 1850. Pour reconstruire dans l’après-Daech, l’archevêque a appelé à un nouveau „Plan Marshall“, qui doit être surtout culturel, et pour lequel Mgr Mirkis est appuyé par une association sans but lucratif alsacienne, „Solidarité Irak“, dont le président, M. Bernard Geyler, l’accompagnait pendant sa visite au Luxembourg.

Les émigrés et leur rôle pour l’Irak futur

Mgr Mirkis a également invité ceux qui auraient la tentation de l’émigration à ne pas y céder, et à consacrer l’énergie qu’ils mettraient à s’intégrer dans un pays étranger à plutôt reconstruire leur pays, tout en reconnaissant à quel point le retour était difficile dans certains endroits. Dans certaines villes libérées de Daech, en effet, et en particulier à Mossoul et Qaraqosh, l’ampleur des destructions rappelle Hiroshima. Il ne reste plus rien. Cependant les chrétiens araméens, dont font partie les chaldéens, sont les indigènes de la Mésopotamie: il y avait déjà un évêque en Mésopotamie en l’an 140.

L’archevêque de Kirkouk, enfin, a prodigué quelques conseils pour les Chrétiens orientaux émigrés en Occident, certains étant présents à Luxembourg qui compte une communauté chaldéenne de quelque 200 personnes, représentée par leur aumonier, Père Paul Sati CSSR. „Je leur dis: “Intégrez-vous. Apprenez la langue, grimpez dans l’échelle de la société. Ne formez pas des grumeaux de communauté, à l’écart.”“ Les conséquences néfastes de l’émigration se font noter en Irak ou de plus en plus de vieillards n’ont plus personne, au sein de leurs familles, restés sur place pour s’occuper de leurs parents en cas de maladie et en cas de besoin de soins. L’archevêque a également commencé à traiter ce problème, avec l’aide de „Solidarité Irak“, projet de construction d’un établissement destiné aux séniors atteint de la maladie d’Alzheimer à Sulaymānīyah.

Ce discours impressionnant s’est poursuivi dans une discussion animée avec un public engagé, dans laquelle l’Archevêque a indiqué que c’est lui qui avait téléphoné, à la veille de la prise de Mossoul par les terroristes de Daech, au ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius, pour demander, en tant que membre permanent du conseil de Sécurité des Nations Unies, de convoquer une session extraordinaire. Car „l’éradication des chrétiens et des minorités perpétrée par Daech en Irak depuis 2014 engage le monde entier“. La ville de Kirkouk, comme ville pétrolière et multiethnique, peut jouer dans le futur de l’Irak un rôle primordial. Dans cette ville, en effet, se côtoient tous les grands composants ethniques de l’Irak: arabes, kurdes, turkmènes et araméens. Si un dialogue inter-ethnique et inter-religieux commence à fonctionner en cet endroit, c’est tout l’Irak qui en profitera. C’est dans cette perspective que lui-même a traduit la Bible en langue kurde, disait encore Mgr Mirkis, également directeur des magazines Al-Fiker Al-Masihi et Al-Nasira à Bagdad, à la fin de la discussion.

Bodo Bost

 
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