L’Animation Biblique de toute la pastorale, une nouvelle façon d’être Eglise

Au cœur de l’exhortation apostolique Verbum Domini se trouve l’appel à « l’animation biblique de toute la pastorale » (n.73). Ce concept d’Animation Biblique de toute la Pastorale (ABP) n’a pas surgi de la plume du pape comme un fruit des cogitations d’un grand théologien en solitaire, mais il fait sien le souci manifesté par les évêques lors du « Synode sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Eglise » de 2008 : « Dei Verbum exhorte à faire de la Parole de Dieu non seulement l’âme de la théologie mais aussi l’âme de toute la pastorale, de la vie et de la mission de l’Eglise (cf. DV 24)… Le synode recommande d’intensifier la « pastorale biblique » non pas en la juxtaposant à d’autres formes de la pastorale mais comme animation biblique de toute la pastorale » (proposition n° 30).

Ce nouveau paradigme traduit une pratique ecclésiale postconciliaire, notamment, à l’intérieur des Églises des continents du sud, qui a redécouvert la Parole de Dieu comme vraie nourriture et source pour le renouveau des communautés chrétiennes locales (cf. VD 3-4). Les Églises de l’Afrique, de l’Amérique Latine et de l’Asie ont su cristalliser la réception du Concile Vatican II, par l’option de devenir des Églises de la Parole [1] Dans ces quarante ans de cheminement, ces Églises ont constaté que la Parole de Dieu devenait pour eux une « matrice » inspirante pour leur vie et leur pratique pastorale. L’écoute de la Parole de Dieu, lue en communauté et mûrie dans le cœur de chaque membre du peuple de Dieu, est devenue un pas obligé dans leur quête de fidélité à l’évangile, notamment en vue de mieux accueillir l’homme d’aujourd’hui avec ses joies, ses aspirations, ses réussites et ses souffrances.

Dans ce paradigme la Parole de Dieu n’est pas une « branche » dans l’arbre de l’Eglise, mais la sève de cet arbre ! Tous et tout dans l’Eglise doit se nourrir de cette sève. Dans ce sens, l’ABP est, tout d’abord une attitude constante de discernement à la lumière de la Parole de toute la pratique pastorale de l’Eglise et, plus profondément, de sa présence dans le monde. En accueillant la Parole de Dieu comme un texte inspiré et inspirant de sa vie, la communauté croyante cherche à rester fidèle à Jésus Christ et aux hommes et femmes d’aujourd’hui. Or, si elle ignore la Parole et ne se nourrit pas d’elle, elle aura du mal à se mettre au service du Projet de Dieu qui se développe, par la force de l’Esprit, dans le monde. La tâche fondamentale de l’ABP est donc de contribuer à ce que la Parole de Dieu, consignée dans l’Ecriture et vivante à travers l’histoire, soit l’inspiratrice de toutes les faces de la vie ecclésiale, en vue de faire de l’Eglise signe et instrument du Royaume, de la vie en plénitude que Dieu a voulue pour toute sa création.

L’ABP a comme point de départ l’accueil du monde avec ses défis et ses opportunités, qui nous interpellent au service du Royaume. Ainsi, le discernement des « signes des temps », le fait de se mettre à l’écoute de ce que Dieu nous dit aujourd’hui à travers les voix de ce monde, permet à la communauté chrétienne de vivre ouvertement à l’histoire, en dialogue fécond avec la société entière. Une communauté qui vit selon le modèle d’ABP, scrute l’histoire avec ses défis, les assume à la lumière de la Parole et propose un chemin à suivre en accord avec le Projet libérateur de Dieu qui s’est dévoilé en Jésus Christ.

L’ABP va, ainsi, main dans la main avec le paradigme ecclésial du « Peuple de Dieu » du Concile Vatican II. Dans ce modèle d’Eglise, l’égalité fondamentale des chrétiens et la coresponsabilité dans la vie et la mission de l’Eglise sont accentuées. Dans ce contexte, l’ABP place l’Eglise au seuil d’un nouveau départ pastoral qui demande un effort de créativité communautaire qui touche à la vie et au travail des communautés pastorales sur le terrain. Les différents niveaux ecclésiaux sont ici invités à collaborer dans la mise en place de cette nouvelle façon d’être Eglise dans le monde et pour le monde. Pour avancer dans la réalisation de ce paradigme ecclésial, il faudrait commencer par une série de démarches qui aident les communautés locales à devenir des communautés de la Parole. A cet effet, un plan pastoral, décliné dans tous les niveaux ecclésiaux, devrait être établi à court et à long terme, en prévoyant, par exemple:

- D’aider les communautés à développer une pratique de lecture de la Bible (cf. VD 51), en vue de discerner ce que l’Esprit dit aujourd’hui aux Eglises et de l’actualiser dans la vie. Contrairement au modèle tridentin qui pensait que la Bible ne devait pas être entre les mains des fidèles, l’ABP donne la Parole à la communauté chrétienne dans la confiance que Dieu, le Père, « a voulu révéler ses mystères aux petits et les a caché aux sages et prudents » (cf. Mt 11,25). [2] Dans ce sens, Verbum Domini rappelle que « les pauvres eux-mêmes sont des agents d’Evangélisation » (VD 107).

- De dépasser une catéchèse limitée à l’enseignement de doctrines, pour apporter au peuple de Dieu la Parole de Dieu, qui est la source de la rencontre avec Dieu lui-même (cf. VD 74). Aller vers une catéchèse qui ne se contente pas de conduire vers un sacrement, mais qui accompagne vers la rencontre avec la personne de Jésus et fait goûter la Parole de Dieu comme la source de la vie et de l’engagement de ses disciples (cf. VD 2).

- D’établir, concrètement, une série de pratiques valorisant l’écoute de la Parole dans la vie ecclésiale :
 formation d’animateurs bibliques dans les communautés pastorales,
 formation biblique des catéchistes et des chrétiens en général (cf. VD 75. 84),
 préparation de supports pour des partages bibliques dans les communautés,
 promotion des célébrations de la Parole (cf. VD 65),
 mise en exergue de la Parole de Dieu dans la liturgie eucharistique (procession avec la Bible (cf. VD 67), place appropriée pour la Bible dans l’Eglise (cf. VD 68), formation des lecteurs (cf. VD 58), homélies soignées (cf. VD 59), accès aux textes lus, etc.),
 établir de rencontres communautaires hebdomadaires pour la préparation de l’homélie,
 naissance de petites communautés de lecture de la Parole (cf. VD 73),
 promotion de la Lectio Divina au début de toute activité pastorale (cf. VD 86-87),
 etc.

Pour le Service Biblique Diocésain,
Luis MARTINEZ

[1Lors de la dernière Conférence Générale de l’épiscopat latino-américain (Aparecida, Brésil, 2007), par exemple, cette option a été clairement assumée : «Il est rendu, donc, nécessaire de proposer aux fidèles la Parole de Dieu comme cadeau du Père pour la rencontre avec Jésus-Christ vivant, chemin « de conversion authentique et de communion renouvelée et de solidarité ». Cette proposition permettra de rencontrer le Seigneur et que la Parole révélée devient source d’évangélisation… D’où, l’importance de une « pastorale biblique », comprise comme animation biblique de toute la pastorale.» (Aparecida, n.264) .

[2Cf Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église, Cerf, 1994, p.114.

 
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